UN PEU D’HISTOIRE…

Par Jean-Claude Dreyer.

Origine du nom de Mortagne:

  • Au fil des siècles, le village a porté différents noms :
  • Sacerdos de Mortesna, 1180.
  • Morthanne, XIVème Siècle.
  • Mortanne, 1558ch.
  • Mortane, 1594.
  • Mortagne, 1711.
  • Mortagne-en-Vôge, 1763.
  • Mors Agni, 1768.
  • Mortagne – les Rouges-Eaux, 1831.
  • Mortagne, 1836 (avec révision des limites communales).
    (Source : Dictionnaire Topographique des Vosges. La commune semble avoir des sources très légèrement différentes .

Population:

En 1887, il y avait selon l’annuaire des communes : 587 habitants dont 184 mâles, 154 électeurs (hé, les femmes ne sont devenues de véritables citoyennes qu’en 1947 !) répartis comme suit :

Bout du dessus: 76, Bout du Milieu: 134, Droites: 51, Hormes: 129 (mais non, il n’y a pas de faute d’orthographe!), Basse Choserot: 14, Basse des jumeaux: 15, Basse de Chevelet: 28 ,Vieux Champ: 13, Vieux Moulin 12, Fermes isolées Cresseunieulle (actuellement maison de M. Weyer sur RD50): 7, Féculerie (face à Sept fontaine dans la basse de Mossoux – vestiges): 3, Fins Beaudoin: 9, Haut Jacques: 2, Jerroue: 3, Plaine Goutte:3, Tavongoutte: 4 (ne recomptez pas, il n’y a pas le compte !), 12 conseillers municipaux et 4 conscrits.

Evolution de la population :1710 85 (35 ménages) An 12: 468 1830: 586, 1847: 688, 1867: 650, 1880: 698, 1886: 587, 1921: 327, 1931: 301, 1938: 272, 1946: 246, 1954: 213, 1962: 177, 1968: 146, 1975: 118, 1982: 112, 1990: 119, 1999: 151, 2005: 153, 2007: 164. 

Production agricole en 1886:

Les chiffres sont exprimés en hectos, doit-on comprendre hectolitres ? logique pour les céréales, curieux pour des pommes de terre ! 60 hectos de blé 320 hectos d’avoine 6000 hectos de pomme de terre.

Économie du début 20 ème siècle:
L’économie du village est toujours mixte :
– Chaque ferme héberge 1 ou 2 vaches, 1 cheval ou 1 bœuf utilisé en commun pour le débardage et les labours. Les cochons étaient abattus 2 fois par an.

– Outre une agriculture vivrière, les hommes travaillent essentiellement aux bois : bûcherons, débardeurs ou travaillent dans les scieries.

– Les femmes travaillent à domicile comme brodeuses, festonneuses notamment pour l’entreprise KEMPF de Ramberviller (Les mouchoirs sont livrés par train à la barrière de Fremifontaine) et la fabrique de bérets basques Veyrier (finitions à domicile).
Au bout du Dessous, il y avait un café-épicerie-débit de pétrole (maison détruite dans le virage à angle droit), une boulangerie (actuelle ferme de M. Vexlard), une cordonnerie.
Les cultures : seigle, avoine, orge.

-Au bout du Dessous, il y avait un café-épicerie-débit de pétrole (maison détruite dans le virage à angle droit), une boulangerie (actuelle ferme de M. Vexlard), une cordonnerie.
Les cultures : seigle, avoine, orge.

Alimentation:

L’alimentation typique n’est bien sur pas spécifique au village de Mortagne, mais elle souligne la rusticité du mode de vie dans les Vosges moyennes. Ceci est tiré du livre « Vosges » de Christine Bonneton, éditeur. A l’époque gallo romaine, il n’y avait pas trop de problème d’alimentation : bouillies de céréales, potées de légumes, gibier, basse-cour, poissons et pain, escargots.

Par la suite, invasions, guerres, insécurité, servage, imposition ont apporté la famine chronique. La chasse et la pêche étaient soumises à autorisations …. La vie était austère et spartiate !

Menu type : Déjeuner vers 6-7 h: soupe de pommes de terre épaisse ou broquatte (écume grasse du lait cuit) Pause de 10 h et de 17 h (pendant les gros travaux) : mouaronde = tranche de pain avec un morceau de lard + lampée d’eau de vie Dîner : soupe de pomme de terre poireau ou de gros haricots secs ou de fèves plat de légumes de saison (raves, cartouffles, navets, carottes), en hiver : millet, orge, avoine, choucroute, choux, navets. plat traditionnel : tofaille = pomme de terre cuite à l’étouffée Miche de pain de seigle avec un peu de farine blanche et avec de la pâte de pomme de terre et de poires des moissons. Cuisson une fois par quinzaine ! Souper vers 17-18 h : soupe de pomme de terre ou au lait ou à l’oseille ou aux orties Plat de résistance : pomme de terre en robe des champs coiffée d’une raclure de fromage (appelées « petites femmes » ou « noces »). On les dégustait aussi avec du « chic » (lait caillé). Laitage et fromages accompagnaient tous les repas. Les mets traditionnels tels que tofaille, mougin, queugnet, cholande font toujours partie de la vie des Vosgiens malgré leurs rusticités.

Ecole:

En 1887, l’école primaire regroupait 66 garçons et 55 filles.
Il y a une bibliothèque de 256 volumes.
1785 : 89% des hommes et 65% des femmes qui se marient sont capables de signer (!) 1870 : 97,9% des vosgiens qui se marient sont capables de signer. Les enseignants : les sœurs enseignaient à l’école des filles, l’école des garçons était tenue par M. Marchal vers 1890, puis par Mlle OSTET vers 1910.

 

Chronologie:

  • Tentative de recréer un contexte à partir des informations glanées depuis des sources diverses:
    Le dieu de la chasse celte VOSEJUS a donné son nom aux Vosges.
  • 361 : Mort de martyrs chrétiens à Toul.
  • 585 : Christianisation des zones montagneuses par des moines irlandais.
  • 651 : Abbaye de Senones
  • 660 : Arrivée du moine irlandais Deodat à Jointures (futur St Dié)
  • 669 : Abbaye de Junturae (alias St Dié) fondée par Déodat.
    même époque : abbaye d’Autrey
  • 1122 : Etienne de BAR neveu du pape CALLIXTE 2 devient évêque de Metz, Il « fond » AUTREY en 1149 avec un territoire qui s’étend de la Mortagne à Chilimont et 3 lieux au sud d’Autrey. Pèlerinage à St Hubert dont l’abbaye possède un doigt.
  • 1146 : Autrey : Installation des chanoines réguliers de St Augustin
  • 1207 : Assassinat de Renaud de Senlis le 26 mars 1217 (Pâques) sur sa route d’ Etival à Autrey : la tuerie a eu lieu entre la Bourgonce et Autrey, les corps ont été jetés dans un marais voisin.
  • 1285 : « création » de Gérardmer.
  • 1294-1295 : Grande famine.
  • 1312 : Brouvelieures : Les biens des templiers passent aux Hospitaliers de Jérusalem. voici ce qu’en dit ce site.
    (…)Cette localité se trouve dans les Vosges au Nord de Bruyères. Une carte IGN récente situe à environ quinze cents mètres au Nord-Ouest de Brouvelieures des ruines de Templiers dans les bois Chevillots, sur le territoire actuel de Frémifontaine.
    Or, dans sa Notice de Lorraine, Dom Calmet ne fait aucune mention de la présence d’un temple dans l’une ou l’autre de ces localités. Seul, A. Digot l’évoque en se rapportant aux anciens pouillés du diocèse de Toul qui lui attribuèrent la dénomination de Bellieuvre et cite des documents attestant son existence.
    Ce vocable surprend quand on sait qu’au XIIe siècle, la localité portait le nom de Brueroles…
    Quoiqu’il en fut, un acte de 1271 expose que les chevaliers de ce temple eurent de fréquents démêlés avec le chapitre collégial de Saint-Dié lesquels se conclurent par un traité de réconciliation entre les chanoines et frère Martin, de l’Ordre du Temple, tant pour les chevaliers que pour leurs sujets respectifs.
  • En 1284, Guillaume de Malain, présumé maître de la preceptorie de Brouvelieures, transigea avec le chapitre cathédral de Toul qui s’engagea à céder aux chevaliers le tiers des droits seigneuriaux à Grimonviller, sous Vaudémont.
    On aurait retrouvé au-dessus du portail subsistant dans les ruines un bas-relief représentant saint Roch, mais rien ne permet d’en déduire que la chapelle de l’établissement lui était dédiée. Selon la tradition, celui-ci aurait été dévasté en 1313 par les paysans qui auraient égorgé sur place les Templiers venus se réfugier dans la montagne pour échapper aux poursuites dont ils étaient l’objet.
  • 1315-1317 : Grande famine
  • 1338 : Franchise communale de Bruyères
  • 1348 : Peste
  • 1359 : Peste
  • 1370 : Peste
  • 1400 : Peste
  • 1410 : Pierre d’Ally grand prévôt de l’église de St Dié rédige Imago Mundi
    sur lequel se fondera Christophe Colomb pour son voyage de 1492.
  • 1536 : premières terres défrichées acensées sur Mortanne (Jehan le Roy, Nicolas Goullay, Marien Jacquel et Jean Rattaire).
  • 1537-1545 : Autrey : reconstruction partielle de l’abbaye (vitrail de 1543)
  • 1548 : Premières traces d’habitat à Mortagne (4 familles de Brouvelieures paient un cens pour avoir une grange à Mortagne).
  • 1557-1558 : Nicolas Divoux paie à son tour un cens pour avoir défriché 10 jours de terrain à Mortanne. Marc Maheu edifie une maison à la Fontaine Choserot.
  • 1558 : on parle de la forge de la Mortagne sur le territoire de Brouvelieures au lieu-dit « Heutte Hanry » et jusqu’à la basse de Chevrefosse : régularisation des acensements pour Didier Viry et Jean Claude le Roy, héritiers de la forge existante. L’activité de ces forges persistera jusque vers 1850 avec une période d’arrêt à la guerre de 30 ans
  • 1570-1635 : Catholicisme exacerbé pour faire face au Luthéranisme de l’Alsace.
  • 1583 : construction de l’hôtel de ville de Rambervillers
  • 1594 Mortagne fait partie du Ban de Belmont (Bail des Vosges, prévôté de Bruyères) avec les communes de Domfaing, Brouvelieures, Herbet et Tavongoutte.
  • 1598 : 18 familles à Mortagne
  • 1618-1648 : Guerre de 30 ans : les combats n’ont lieu dans la régions que vers 1635, mais l’impact de la guerre c’est produit bien avant avec la mise à contribution de la population pour nourrir les troupes, massacres, rançons, pillages et famine. Vers
  • 1640, une épidémie de peste (après celles de 1610-1611 et de 1629) vient achever de détruire le pays et sa population : 60% de pertes en moyenne, des villages entiers vidés de leurs habitants, tout le pays est ruiné. L’économie ne repartira que vers 1660.
  • 162x : croix de Pienne (dite aussi « croix de la refilotte » car les bûcherons y affûtaient leur haches) protection contre pillages, pestes ?
  • 1634 : croix du bout du dessus Début des hostilités au pays de Salm voisin ?
  • 1635-1636 : maximum des décès dus à la peste, la population se réfugie dans les bois
  • 1637-1639 : famine
  • 1648 fin de la guerre de 30 ans
  • 1650 : arrivée de la pomme de terre dans les Vosges
  • 1657 : grande sécheresse
  • 1682 : tremblement de terre à Remiremont
  • 1683 : réunion de la Lorraine à la France
  • 1700 : forges de Brouvelieures
  • 1709 : hiver très froid
  • 1710 : L’abbé Florent curé de Ban de Laveline rend dans sa paroisse l’instruction publique gratuite et obligatoire
  • 1703-1715 : Autrey : reconstruction de l’abbaye.
  • 1715 : Le duc de lorraine Léopold exige une dîme de pomme de terre
  • 1719 : invasion de sauterelles
  • 1729 : été très pluvieux
  • 1733 : croix du bout du Milieu
  • 1735 : été très pluvieux
  • 1739 : hiver très froid
  • 1743 : croix du Hagis
  • 1749 : été très pluvieux
  • 1769 : été très pluvieux
  • 1771 : Rambervillers : pillage des magasins à blé suite à la famine.
  • 1789 : 8 députés vosgiens aux états généraux de Versailles
  • 1790 : Épinal devient chef lieu des Vosges en remplacement de Mirecourt.
  • 1792 : Les Vosges envoient 14500 hommes pour protéger la patrie en danger. Les Vosgiens sont les premiers à payer l’impôt et fournissent 6446 soldat de plus = place des Vosges à Paris en 1800.
  • 1806 : croix du bout du dessous
  • 1823 : Des fouilles font état d’un camp romain stationnaire assez grand où ont été trouvé des moellons, des médailles romaines et, du coté de la pente, des ossements humains. Ce camp se situait pour certains sur le haut de l’Orme (Haut du puits), pour d’autres vers le CHAISEAU (lieu dit le Hagis). Une autre information le situe comme dominant la Mortagne, au carrefour de 3 routes !
  • 26 juin 1831 : ordonnance royale pour changement de nom : Mortagne en Vosges devient Mortagne les Rouges-Eaux
  • 1836 : Mortagne les Rouges-Eaux devient Mortagne.
  • 1835 : la fécule devient nécessaire à l’apprêt des tissus = multiplication des féculeries à Mortagne et alentours
  • 1840 : construction de l’église de Mortagne : à noter le porche avec ses 2 colonnes en un seul bloc de pierre ainsi que le linteau taillé dans un seul bloc.
  • 1842 : construction de la mairie-école de Mortagne.
  • 25 août 1914 : début de la bataille de Mortagne : avec notamment le 52ème BCA, le 2ème BCP, le 6ème BCA (bataillons de chasseurs) et le 157ème RI de Lyon.
  • 29 août 1914 : « maître de la ligne de la Mortagne ».
  • 1940 : Des troupes allemandes établissent leur campement à Mortagne pour arrêter les soldats français en pleine débâcle dans les forêts alentours.
  • Juin 1944 M. René ROUSSEL est arrêté et battu à mort sans révéler de noms, les résistants qu’il logeait ont été fusillés sur la place de Bruyère.
  • 30 septembre au 23 octobre 1944 : libération de Fremifontaine par la 45ème division d’infanterie de l’OKLAHOMA : plus de  100 soldats y sont décédés. Les Allemands obligent le maire de Mortagne (Auguste Valence) à désigner des personnes pour creuser les tranchées. Ce site et celui-ci, parmi d’autres, montrent au anglophones combien cette période à laisser de traces aux US. Les troupes françaises étaient présentes également, on peut trouver ici les traces de leur parcours :
    (…) Le 30 octobre, nous entrons dans la forêt de Mondon en direction de Chenevières par Moyen et Vathiménil, le lendemain nous libérons Baccarat…/… Le 10 novembre, nous quittons les rivages de la Vezouze pour ceux de la Mortagne, plus au sud, près de Rambervillers, et le 12 nous sommes fixés de notre prochain objectif, ce sera l’Alsace…/… ici.
  • 1950 : fermeture de la dernière féculerie
  • 1952 ? : don du chemin de croix de l’église par l’abbé Leon Pierel (abbaye d’Autrey) lequel décède le jour de la fête de la Saint Mathieu patron du village. On lui doit aussi la restauration de l’église (piliers de pierre et allée centrale en carrelage).

Appartenance:

A l’époque gallo-romaine, Mortagne fait partie du pays des Leuques (Toul).
En 212, après l’édit de Caracalla, la zone montagneuse devient un « saltus », propriété collective de l’état romain; elle constituera ensuite le « fisc royal » mérovingien et carolingien.
Ces rois attribueront alors ces terres aux moines évangélisateurs.
Au moyen âge, les terres de MORTAGNE appartiennent pour moitié aux chanoinesses de REMIREMONT, pour un quart au comte de LUDRES et pour le reste au sieur REDOUBTE.

Il y a 5 scieries :
GERU, LORFOSSE, HARDIE, BLANCHEFONTAINE, PIOT. Ces scieries appartiennent aux mêmes personnes que ci-dessus.

En Mairie, il n’y a que quelques titres antérieurs à 1790, le plus vieux date de 1578 et a trait à une vaine pâture.

Eglise:

L’église a été construite en 1840 probablement achevée en 1843 date du tableau qui se trouve dans le chœur, peint par DOLMAIRE un peintre de Bruyères, il représente St Mathieu rédigeant l’évangile à la lumière du St Esprit.

L’église a été financée par les habitants de Mortagne soumis à l’impôt.
La mairie et l’école datent de 1842.

Divers:

– Les cloches de l’église des Rouges-Eaux ont des noms : Sophie, Marie et Catherine.
– Les templiers auraient possédé avant 1307 une propriété entre Brouvelieures et Frémifontaine, l’ordre a été dissout à cette date et les templiers auraient été exterminés au bûcher en 1312, ceux de Frémifontaine ont été égorgés par la population en 1313; certains historiens doutent beaucoup de la présence des templiers à Frémifontaine et bien sur du massacre, car nulle trace n’a été trouvée dans les archives.

On peut encore voir les amas de pierres, mais les vestiges les plus remarquables ont étés récupérés par les habitants de Frémifontaine : on peut voir dans ce village des fenêtres à meneaux provenant des « templiers ».

Voici quelques documents qui éclairent sur l’histoire de la région, ils sont puisés dans les bulletins de la Société philomatique vosgienne disponibles sur le site de la Bibliothèque Nationale de France gallica.bnf.fr

Auteur: Jean-Claude Dreyer

Auteur: Jean-Claude Dreyer

Installé à Mortagne depuis de nombreuses années, Jean-Claude s’était beaucoup intéressé à l’histoire du village. Pour satisfaire son goût du savoir, il avait glané des informations auprès des ainés.
Président de l’Association Festive des 4 Bouts depuis janvier 2010, Jean-Claude n’a pas ménagé ses efforts et a toujours participé activement aux diverses manifestations que l’association a organisées, du « Rush du Bout du Monde » à la Fête de la St Mathieu en passant par le vide-grenier. Mais, il ne s’arrêtera pas là, il assurait également l’ouverture de la bibliothèque municipale deux soirs par semaine. Jean-Claude avait, également, crée un beau site internet relayant toutes les informations concernant le village et les alentours.
Sa disparition à la suite d’une crise cardiaque causera un vide parmi les villageois. Jean Claude Dreyer laisse le souvenir d’un homme attachant et cultivé.